Quel est votre parcours ?
J’ai commencé à travailler en tant que surveillante d’externat. Je ne me destinais pas du tout à travailler dans une vie scolaire au départ, c’est venu en travaillant les cours de préparation au concours CPE que l’un de mes collègues avait laissé ouvert sur le bureau. J’ai trouvé les questions liées au système éducatif plus intéressantes. Sinon, au départ, j’ai un cursus de sociologue. Je rentrais en troisième cycle, je me préparais à la recherche et au moment d’entamer mon DEA, je me suis réorientée pour être CPE.
Une fois qu’on est lauréat du concours, on est stagiaire à mi-temps ou à plein temps si on a déjà une solide expérience dans l’Éducation nationale, avec un tuteur qui nous épaule et sous la responsabilité d’un chef d’établissement qui guide également notre pratique. Durant cette année de stage, on passe du temps en formation à l’INSPE et sur le terrain dans un établissement. À l’issue de cette année de stage on commence le métier de CPE, en autonomie complète.
C’est ma deuxième année dans ce collège à Montauban et dans l’académie de Toulouse. J’arrive de Créteil, j’ai travaillé auparavant dans l’académie de la Guadeloupe et mon expérience de surveillante était à Aix-Marseille. Je me suis moi-même astreinte à de la mobilité, j’ai travaillé dans trois académies différentes parce que je pense que c’est important de voir des paysages différents et des publics d’élèves différents.
Au bout de quelques années, une routine s’installe et nuit à notre identité professionnelle qui consiste à être en souplesse et en mouvement dans l’intérêt des élèves et des familles.
En quoi consiste votre rôle de CPE ?
J’accompagne les élèves dans leur scolarité, pour toutes les questions qui sont en lien avec la vie scolaire : les cours, les devoirs, la construction de l’identité citoyenne, les liens avec les camarades, l’appartenance à un groupe, le fait de pratiquer du sport… Plus précisément, les missions des CPE consistent à assurer la sécurité physique et psychologique des élèves, ce qui implique de veiller tant à ce qu’un élève ne se casse pas la jambe en traversant la cour, qu’à veiller à ce qu’un élève ne subisse pas de pression psychologique.
Est-ce un travail d’équipe ou personnel ?
Totalement d’équipe ! On organise le travail de la vie scolaire, on travaille avec des assistants d’éducation, des AESH qui accompagnent le parcours des élèves à besoin éducatifs spécifiques. On travaille aussi énormément avec les familles pour des détails « il a oublié son cahier de maths, pouvez-vous le lui remettre ? » ou des choses plus complexes avec l’intégration d’un parcours scolaire particulier pour certains élèves. Et puis, on travaille avec les enseignants, la direction, les agents… C’est vraiment l’identité du CPE : idéalement il faut travailler avec tout le monde.
Enfin, un super travail d'équipe est réalisé par le groupe ressource académique des CPE, piloté par les inspecteurs vie scolaire, avec une production d'outils pédagogiques vraiment très utile.
Comment faites-vous le lien avec les élèves ?
Les assistants d’éducation s’occupent de faire remonter les informations du terrain car ils sont en contact avec les élèves et sentent la pulsation de l’établissement. Ils permettent au CPE de s’intéresser à une situation qui dégénère ou quelque chose en matière de décrochage scolaire par exemple. Les enseignants également sont des agents de repérage de choses qui indiquent que ça ne va pas chez un élève. Il y a ici 630 élèves, 1 CPE deux jours par semaine et puis moi qui suis à plein temps et 6 assistants d’éducation sur une journée.
Une journée type ?
Dans une journée ordinaire telle que je la conçois, il y a un ou deux rendez-vous avec les familles car elles ont besoin d’être entendues, une heure de travail avec les assistants d’éducation pour organiser leur travail, du temps avec les élèves (dans la cour, en permanence, au réfectoire) et enfin un travail de réponse aux demandes. Sans compter le travail ordinaire : surveiller les absences, les retards, recevoir un élève exclu de cours ou qui ne va pas bien. Mais cette journée type est réorganisée en fonction de choses urgentes et importantes que l’on n’avait pas prévu initialement.
Il y a un inspecteur qui parle de « sortir de la logique de guichet ». Cette phrase me parle beaucoup : le CPE est celui qui décide que sa priorité, par exemple, est d’aller voir tel élève qui sèche en cours en ce moment pour éviter qu’il ne décroche. Mais la logique de guichet fait qu’on reçoit les parents qui arrivent à l’improviste, un élève qui a mal au ventre et qui ne peut plus aller en cours, un élève effondré sans que l’on sache pourquoi, et malheureusement on va laisser tomber cet élève qu’on avait prévu de voir pour éviter qu’il ne décroche. Cette logique de guichet est l’écueil principal de ce métier, il faut prendre du recul pour réorganiser sa journée tout au gardant le fil rouge prévu au départ. Sans quoi, on finit par être juste un pompier appelé pour les urgences.
Des moments clés dans l’année ?
La rentrée et la fin d’année, en particulier avril / mai / juin qui consiste à boucler une année et préparer la prochaine ; les élections des délégués qui sont un grand moment de vie citoyenne auquel les CPE sont associés, organisateurs et formateurs ; toutes les périodes qui précèdent les vacances en termes d’ambiance, les élèves s’occupent d’animer nos journées (rires).
Sur une journée, l’accueil le matin est capital à mon sens, la présence du CPE au portail le matin pour dire bonjour, pour s’assurer du bon déroulement de l’entrée. C’est là que les élèves peuvent nous poser des questions.
Y a-t-il des projets autour du harcèlement et cyberharcèlement dans l’établissement ?
Ici, on a commencé a décliner une première formation lié au dispositif pHARe. On a également des projets sur le développement psychologique affectif des élèves pour mettre en mot les émotions, savoir les dire et les évoquer, des projets pour travailler l’égalité filles/garçons et enfin on s’investit dans la médiation par les pairs comme un facteur pouvant désamorcer des situations de harcèlement. Par ailleurs, on a des actions avec des partenaires : le correspondant police rencontre tous les élèves de 5e pendant une heure pour expliquer les sanctions, ce que sont le harcèlement et le cyberharcèlement, quels sont les recours existants. Enfin, on travaille aussi avec les parents et avec les CM2 qui viennent visiter l’établissement sur le sujet du téléphone portable et de l’identité numérique.
Avec l’investissement de toute la communauté autour de la prévention du harcèlement, on peut progresser.
Qu’est-ce qui vous plait dans ce métier ?
Les journées qui se suivent et ne se ressemblent pas et les élèves qui ont quelque chose de bouillonnant et de naturellement bon, malgré certaines choses difficiles auxquelles ils sont confrontés et auxquelles ils se confrontent eux-mêmes. Et puis dans le fond, ce qui me plait c’est de participer à en faire des citoyens émancipés par le savoir, capable de prendre la parole et de dire quand ils ne sont pas d’accord tout en étant respectueux, capable de construire des familles, d’aller voter, de prendre position…
Votre mentor ?
C’est un professeur d’université que j’avais, il s’appelle Jacques Lautman.
Votre devise ?
« Chaque jour sur le métier, remet ton ouvrage ». On reprend tous les jours avec le cœur, haut et content, même si la journée d’avant a été un peu décourageante, le travail de chaque jour mis bout à bout qui permet d’aboutir à de grandes choses.
Si vous étiez une œuvre ?
Un opéra jeune public intitulé "Zoura la maléfique", écrit par Bertrand Lavaud-Bach, pour les classes à horaires aménagés Musique, Voix et Danse (CHAM, CHAV et CHAD) de Montauban.
Cet opéra a été écrit pour nos élèves et interprété sur la scène d'Eurythmie en mai dernier.
Mise à jour : juillet 2023